Mercredi 12 novembre dernier, la Fondation pour la Recherche sur le Cerveau proposait un webinaire "Alimentation et cerveau" auquel nous avons participé. Le docteur Guillaume FERREIRA, directeur de recherche à l'INRAE et lauréat de la Fondation, détaillait l'influence de ce que nous mangeons sur notre cerveau et expliquait pourquoi manger sainement est essentiel à notre santé cérébrale. Nous avons décidé de résumer ce webinaire dans cet article dans le but de transmettre ces recherches à tous les parents d'élèves, Montessori ou non. Bonne lecture !
Selon la Fondation pour la Recherche sur le Cerveau, l’alimentation façonne le développement et le bon fonctionnement du cerveau à tous les âges, de la grossesse à l’âge adulte, en influençant la mémoire, l’humeur et même le risque de maladies neurodégénératives. Chez l’enfant et l’adolescent, certains régimes (trop gras, trop sucrés, trop désynchronisés) peuvent fragiliser durablement les structures cérébrales, mais une alimentation équilibrée, associée à de l’activité physique, permet d’inverser une partie de ces effets.
Alimentation et développement du cerveau
Dès la grossesse, les apports nutritionnels de la mère conditionnent la prolifération des neurones du fœtus et la bonne fermeture du tube neural, notamment via la vitamine B9 et B12. Les oméga‑3 jouent un rôle clé dans la maturation du cerveau et la construction des circuits de neurotransmission, ce qui en fait des nutriments centraux pour le développement cognitif.
Après la naissance, le lait maternel, riche en oméga‑3, est associé à un développement psychomoteur plus rapide et à de meilleures performances cognitives chez le jeune enfant. L’alimentation de la petite enfance influence ainsi la mise en place de la mémoire, de l’attention et de la régulation émotionnelle, en agissant sur la plasticité cérébrale.
Adolescence : période de vulnérabilité… et d’opportunité
L’adolescence est une période particulièrement sensible : une alimentation riche en graisses saturées et en sucres altère l’hippocampe, une région clé de la mémoire épisodique et émotionnelle. Des études chez l’animal montrent que des régimes « obésogènes » à cette période entraînent des déficits d’apprentissage et de mémoire sociale, plus marqués que chez l’adulte.
Sur seulement quelques jours, un déséquilibre nutritionnel (mélange gras/sucré, lipides saturés) peut induire des dysfonctionnements de la structure cérébrale impliquée dans la mémoire, dont l’hippocampe. Chez les adolescents en surpoids ou obèses, certains types de mémoire, notamment relationnelle, sont déjà altérés, ce qui peut impacter la réussite scolaire et la confiance en soi.
Rythme alimentaire, snacking et chrono‑nutrition
Le cerveau suit des rythmes biologiques de 24 heures (rythmes circadiens), et l’heure des repas compte autant que ce que l’on met dans l’assiette. Chez des souris nourries avec un aliment sucre‑gras à volonté, la prise alimentaire se décale vers la phase de repos, ce qui augmente les apports caloriques et dérègle les gènes de la plasticité synaptique dans le cortex et l’hippocampe.
Chez les personnes en surpoids, on observe souvent un rythme alimentaire haché, riche en grignotages, qui désynchronise les horloges biologiques et s’associe à des performances de mémoire plus faibles. La bonne nouvelle : synchroniser les repas avec les rythmes biologiques (chrono‑nutrition) permet de restaurer la densité des synapses et d’améliorer les performances de mémoire chez l’animal.
Peut‑on inverser les effets d’une « mauvaise » alimentation ?
Une partie des effets d’un régime riche en gras saturés et en sucres est réversible, même si certains « marqueurs » peuvent persister et favoriser un vieillissement cérébral plus rapide en cas d’autres facteurs de risque. La plasticité cérébrale reste néanmoins un formidable levier : le cerveau se réorganise en fonction de l’environnement, de l’activité physique et des nouvelles habitudes alimentaires.
Plusieurs axes agissent en synergie pour « réparer » le cerveau :
Activité physique régulière, qui stimule la neurogenèse et améliore la vascularisation cérébrale.
Chrono‑nutrition, avec des prises alimentaires alignées sur les périodes d’activité plutôt que la nuit.
Réduction des aliments ultra‑transformés, particulièrement ceux combinant gras saturés et sucres, qui agissent comme de véritables exhausteurs de plaisir et court‑circuitent les signaux de satiété.
En toile de fond, le microbiote intestinal joue un rôle de relais entre alimentation et cerveau : les bactéries intestinales produisent des molécules qui modulent l’humeur, la cognition et l’inflammation via le sang, les nerfs et les hormones.
Quels choix alimentaires pour protéger le cerveau ?
Certaines habitudes alimentaires protègent particulièrement la mémoire et la santé cérébrale tout au long de la vie. Le régime méditerranéen, riche en fruits, légumes, céréales complètes, poisson, légumineuses et graisses insaturées, réduit d’environ 30% le risque de développer une dépression et diminue aussi le risque d’AVC et de déclin cognitif.
Quelques repères concrets ressortent des travaux de la FRC et des recommandations de santé publique :
Favoriser les oméga‑3 : poissons gras (sardine, maquereau, saumon), huiles de noix et de colza, pour soutenir mémoire et apprentissage.
Privilégier les fruits et légumes variés (jusqu’à 800 g/jour) : les baies rouges, riches en anthocyanes, contribuent à éliminer des déchets cellulaires impliqués dans les déficits cognitifs.
Limiter les viandes rouges, la charcuterie, les boissons sucrées et le sel, au profit de céréales complètes, légumineuses et huiles végétales de qualité.
Après 50 ans, l’attention aux vitamines liposolubles (comme la vitamine A, souvent stockée dans le tissu adipeux plutôt que disponible pour le cerveau) et aux oméga‑3 devient essentielle pour freiner le déclin cognitif. L’alimentation influence aussi l’expression des gènes (épigénétique) : dans un environnement favorable, certains gènes protecteurs peuvent être « allumés », soutenant la résilience cérébrale.
Pour les familles et les adolescents, l’enjeu n’est pas d’ajouter des calories « saines » par‑dessus des aliments obésogènes, mais de les remplacer progressivement par des options plus protectrices, en diversifiant les repas, en impliquant les jeunes en cuisine et en s’appuyant sur des repères simples comme le Nutri‑Score A ou B. Dans cette logique, un petit déjeuner léger mais non obésogène, adapté au rythme de l’adolescent, reste préférable à l’absence totale de prise alimentaire matinale sur le long terme.

